Anne Sylvestre
XAVIER


Quand il était encore bébé, Xavier,
Voyant sa mère qui pouponnait son cadet,
Voulant tout faire comme maman, tendrement
Langeait et berçait son ourson sans façons.
Vous voyez, vous voyez qu'il était bien disposé.

Mais les amis, mais les parents, apprenant
Qu'il était tendre et maternel, l'eurent belle
De tomber à bras raccourcis, sans merci,
Sur la pauvre maman tranquille, malhabile.
Vous voyez, vous voyez qu'elle n'y avait pas pensé.

Ils lui prédirent avec terreur, quelle horreur!
Qu'il allait être, paraît-il, pas viril,
Dirent qu'il fallait mettre aussitôt une auto
Dans les mains de ce petit mâle anormal.
Vous voyez, vous voyez à quoi on peut échapper.

Mon Xavier n'a pas protesté, pas pleuré,
A enroulé vaille que vaille la ferraille
Dans le mouchoir de sa maman, tendrement,
Puis il a fait dodo à l'auto.
Vous voyez, vous voyez qu'on pouvait bien s'inquiéter.

Je dois pourtant vous rassurer sur Xavier.
Il a passé sans avanies son permis.
Ses sentiments pour son auto sont normaux.
Tous ne peuvent pas en dire autant bien souvent.
Vous voyez, vous voyez, tout finit par s'arranger.


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