Anne Sylvestre
VALSE-MARINE


J'ai le souvenir de une nuit sans lune
Où nous effeuillâmes quelques goémons,
Où nous nous promîmes, et non pour des prunes,
Amour éternel, merveilles et monts,
Amour maritime et volontiers rustre
Dont le vent du large accroît l'appétit.
Hélas! ce n'étaient que des amours lacustres.
Vous aviez mon cher coeur sur pilotis.

Si je vous déçus, vous-même y perdîtes
Le peu de respect que j'éprouvais pour
Votre délicieux air de troglodyte
Et votre passion pour le mot toujours.
Vous m'auriez aimée, je crois, châtelaine.
Je portais des bottes et ça n'allait pas.
La mer encerclait, poétique et vaine,
Nos pieds. C'était beau, mais un peu trop froid.

J'ai le souvenir d'une nuit exquise
Où, je dois le dire, rien ne se passa.
Fut-ce mon silence ou votre bêtise?
Mais la faute à qui, mais la faute à quoi?
Mordez-vous les doigts, page, mon beau page.
J'ai su rattraper tout ce temps perdu.
Pourtant, je me dis qu'au lieu d'un lit-cage
Il eût été doux d'essayer la plage,
Le sable et les vagues, nous aurions bien dû...
Le vent et la lune, oui, nous aurions dû...
Mais... mais l'aurions-nous pu?


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