Anne Sylvestre
LES PUNAISES


Quand à la messe j'allais,
Alors fallait
Voir les punaises
Me lorgner sans pudeur
Du coin de leur
Regard qui biaise.
A travers leurs mains jointes
Elles me lançaient des pointes:
"Voyez un peu l'allure qu'elle a."
Ave, ave maris stella,
Car moi, j'y allais que pour de bon
Balancer mes jupons.

En écoutant le sermon,
Je faisais mon
Petit inventaire.
Le curé pas méchant,
Tout en prêchant,
Me regardait faire,
Se disant dans une décade:
"Quand elle sera en rade,
Elle viendra me raconter tout ça."
- Confiteor et caetera -
Car moi, j'y allais qu'évidemment
Me choisir un amant.

Au Benedicamus
Ils étaient tous
Sur la sellette
Pour désigner l'élu.
Moi, j'avais plus
Qu'à le ver la tête.
Aux aguets, les punaises
Chuchotaient bien à l'aise
Et faisaient des paris tout haut,
- Et cum spiritu tuo -
Car j'avais bien l'air d'y aller
Que pour les faire parler.

Au dernier évangile,
Fallait voir s'ils
Quittaient leurs chaises.
Derrière tout un peloton
De margotons
Et de punaises,
Je sortais la dernière.
Juste après la chaisière,
Un beau gars m'attendait en face.
- Tra la la, Deo gratias -
Et il m'entraînait pour de bon
Balançant mes jupons.


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