Anne Sylvestre
PAR LES CHAMPS INONDÉS


Par les champs inondés
Tu viendras me chercher
Et nous irons glisser, légers
De saule en saule aux cheveux mouillés, mouillés.
Le fond de ton bateau
Que tu pousses sur l'eau,
Couche l'herbe polie qui plie,
Couleur de ma mélancolie.
Les grenouilles par mille
Sur le miroir fragile
Font un bruit léger
Dans leurs vives plongées
Et sous notre sillage
Rêvent les pâturages.
Le chemin s'est noyé
Dans un monde mouillé.

A tant te regarder
Par les champs inondés,
Je vois se dédoubler, trembler,
L'ombre de toi que je vais rêver, rêver.
Échouons le bateau,
Nous marcherons dans l'eau,
Les pieds dans la fraîcheur.
J'ai peur de trop laisser battre mon coeur.
Un pli horizontal
Déchire le cristal,
Et sous le bruissement
Des peupliers d'argent,
J'ai le coeur qui vacille.
Des gouttelettes brillent
Le long des avirons.
Rentrons vite, rentrons!

Sur les champs engourdis
Se faufile la nuit.
Vois, le ciel s'alanguit, bleuit,
Le jour chavire, mon rêve aussi, aussi.
A quoi bon s'attarder
Sur les champs inondés?
Nous laissons nos pensées embrumées
Jusqu'à demain vagabonder
Par les champs inondés.
Par les champs inondés.


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