Anne Sylvestre
ON S'EST CONNUS


On s'est connus comme deux marins retour de pêche,
Les yeux perdus encore et cherchant l'horizon,
Qui mettent pied à terre et que rien ne dépêche,
Puisqu'aussi bien la mer, c'est pour eux la maison.
On s'est connus comme ça, on était bien ensemble.
Tu parlais mon langage et j'entendais ta voix,
Et comme des enfants qu'un même jeu rassemble
Tous les deux nous avons hissé le grand pavois.

REFRAIN:
Mais j'ai appris à être sage,
À raccommoder mes filets.
L'amour n'est pas un abordage:
Un coeur ne se prend pas au carrelet.

Tu as mis à mes pieds tes filets pleins d'images,
De soleils et de joies pêchés depuis longtemps.
Comme je n'avais rien, tu voulais qu'on partage,
Et j'ai tendu les mains pour que tu sois content.
Tu connaissais la mer, tu revenais des îles,
Quand moi, je n'en étais qu'à mon premier départ.
La tempête, les vents, tu trouvais ça facile,
Disant qu'on vient toujours accoster quelque part.

REFRAIN

On s'est connus, mais vois: ce n'était qu'une escale.
Nous ne pouvions monter sur le même bateau.
Oh! garde tes filets, range-les dans la cale.
Il aurait bien fallu nous rencontrer plus tôt.
Déjà le vent se lève, il faut que je m'en aille.
N'oublie pas, quand au loin tu t'en iras voguer,
Le triste matelot qui n'avait rien qui vaille
Et qui n'avait jamais, non, jamais navigué.

REFRAIN


À la page des textes d'Anne Sylvestre
À la page des textes