Anne Sylvestre
GRÉGOIRE OU SÉBASTIEN


Du temps que j'étais gentille,
J'ai connu un galopin
Qui maniait la faucille
Dans un champ tout près du mien.
Comme il donnait bien la patte,
Comme il faisait bien le beau,
Je lui fis un peu d'épate
En astiquant mes sabots.

REFRAIN:
Mais, s'appelait-il Grégoire,
Jean, Philippe ou Sébastien?
Vous aurez peine à me croire,
J'avoue que je n'en sais rien.

Je portais à cette époque
Des jupons amidonnés,
De ces cloches qui évoquent
Bien des fêtes à sonner.
Fut-ce le vent qui badine
Ou bien ruse à ma façon?
Je me mis à sonner matines
Aux oreilles du garçon.

REFRAIN

La valeur de l'artifice
M'apparut sur le moment:
Comme un moine à son office
Accourut le garnement.
Pour la suite du chapitre,
J'espère que l'on voudra
M'en laisser être seul arbitre
Et la garder bien à moi.

REFRAIN

Le temps de quelques bréviaires
Dura notre balthazar,
Puis nos adieux s'égrenèrent
à l'horloge du hasard.
Je n'étais pas encore méchante,
Mais quand il fut en allé,
Ce regret toujours me hante:
"Je n'ai pas su l'appeler."

Devais-je crier Grégoire,
Jean, Philippe ou Sébastien?
Le plus triste de l'histoire
Est que je n'en sais toujours rien,
Car enfin je l'aimais bien.


À la page des textes d'Anne Sylvestre
À la page des textes