Nicolas Peyrac
LES MOTS QU'ON APPREND À DIX ANS


Mourir à Kolwezi ou bien en Argentine
Que tu sois noir ou blanc c'est tout aussi facile
Mais c'est tout aussi con et tout aussi débile
Suffit d'un coup de feu ou bien d'un coup de poing
Ou bien de quelques mots prononcés quelque part
Par quelqu'un d'important se prenant pour César
Drapé dans son mépris pour les Blancs et les Noirs

J'ai comme un cancer au cerveau
Qui m'aurait bouffé tous les mots
Les mots de père
Les mots d'enfant
Les mots qu'on apprend à dix ans
Et auxquels on croit à vingt ans

Dis-moi Monsieur Kapo est-ce que tu dormais bien?
Que l'on soit Juif ou pas c'était pas la question
Tout ce qui importait c'était d'avoir raison
T'as eu des tas d'enfants qui pensent comme toi
Qu'il vaut mieux obéir à la raison d'État
Et que l'État c'est bien, et que l'État c'est toi
Qu'il vaut mieux vivre haï que de crever tout bas
J'ai comme un cancer au cerveau
Qui m'aurait bouffé tous les mots
Les mots de père
Les mots d'enfant
Les mots qu'on apprend à dix ans
Et auxquels on croit à vingt ans

Et de partout s'en viennent des tas de Pinochet
Des roitelets débiles qui se prennent pour Dieu
Et c'est dans les prisons que tu les pries le mieux
Un jour ils seront là pas très loin de Paris
Je les sens qui s'en viennent sans même se cacher
Et de nos mots d'amour ils feront des bûchers
Et je sais que personne n'y veut rien changer

J'ai comme un cancer au cerveau
Qui m'aurait bouffé tous les mots
Les mots d'enfant
Les mots de père
Les mots qu'on apprend à dix ans
Et auxquels on croit à vingt ans
J'ai comme un cancer au cerveau
Qui m'aurait bouffé tous les mots
Les mots de père
Les mots d'enfant
Les mots qu'on apprend à dix ans
Et auxquels je croirai longtemps


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