Gaston Ouvrard
LE SOLDAT AVIATEUR


Au Bourget y'a mon capitaine
Qui me dit: je va te faire un grand honneur
Dans mon nouveau biplan je t'emmène
Pour battre le record de la hauteur
Allons viens! Y faut qu'on se distingue
Et sans me donner le temps discuter
Y'me dit de monter dans sa carlingue
Une affaire que...'sais pas ce que c'est!
On me colle une paire de lunettes
Pour mieux voir ce qui se passe là-haut
Et on m'enveloppe dans une peau de bête
Pour que je m'enrhume pas du cerveau
On fait tourner l'hélice en douce
Sur trois roues, ça se met à rouler
Et l'oiseau sans que personne le pousse
Flanque un coup de queue et se tire des pieds
Le fourbi part, monte dans l'espace
Au bout d'un quart d'heure tout ému
Je regarde en bas pour voir ce qui se passe
Le plancher des vaches paraissait plus!
Je pensais: le sale zozio, ce qu'y file!
Cré bon sang, quand l'arrêtera t-on?
Dire qu'y'a pas un sergent de ville
Par ici qui lève son bâton
Ça va pas mal dit le capitaine
Mais y faut gagner de la hauteur
Allons, Tifart, on est en veine
Aide moi un peu, maintiens le tendeur
Tu le vois? je pousse à l'essence
Ah: que je lui fais, poussez donc rien
Poussez seulement la complaisance
Jusqu'à me ramener d'où ce que je viens
Effrayé, j'avais la tremblote
En pensant: C'est mon dernier jour
Mon sang se figeait dans ma culotte
Et l'on montait, montait toujours
Le vent soufflait dans les ailes en toile
Je me dit: y'a pas, nous sommes foutus
Si nous rencontrons une étoile
On va se casser la gueule dessus
Tout à coup voilà quelque chose qui pète
Le capisson fait des yeux hagards
Mois je faisait une drôle de trompette
Je pensais: Ça va mal dans le bazar
Le chef s'écrie: ça vient du fuselage
On descend! je dis, c'est pas trop tôt!
Il ajoute: coupe vite l'allumage!
Je peux pas, j'ai pas de couteau!
Soudain, on arrive sur un nuage
L'éviter, y'avait plus moyen
Puis je sens comme un accrochage
Je me dis bon! c'est le nuage qui nous retient
Mais non, on était sur un chêne
Dans un bois. je crie: Y'a plus de danger!
Car notre zozio, mon capitaine
Il a trouvé de quoi se percher
Bref, le soir de cette infortune
Je vais chez Rose dont je suis l'amoureux
- Y faut qu'on s'embrasse, dit ma brune
Vient qu'on monte au ciel tous les deux!
- Ah non! Que je lui réponds, ma chère
Monter au ciel, j'en suis revenu
J'ai pas envie de me refoutre par terre
Vas-y toute seule, moi je marche plus!
Oh sans blague,
Maintenant que je connais le fourbi,
Y'a rien à faire!


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