Serge Lama
L'ENFANT D'UN AUTRE



Et l'absence est venue poser ses grandes ailes
Sur le berceau muet qui ne chantera plus,
Elle est partie sans moi, je reste seul sans elle
Et sans cet enfant de trois ans
Dont je ne suis même pas le père
Mais qui devenait mon enfant, peu à peu.

C'est elle qui est partie, mais c'est lui qui me manque,
Ce tout petit garçon qui n'était pas de moi
Mais qui avait su lier mon âme saltimbanque
Avec sa tête dans mon cou,
Avec son rire dans sa gorge,
Ne plus l'avoir contre ma joue,
Ça me rend malheureux.

Les enfants sont le fruit des femmes, pas des hommes
Et quel que soit celui qui fait germer la pomme,
Le père, pour l'enfant, c'est celui qui est là,
Celui qui caresse sa mère et qui lui tend les bras.

Sans doute, aimera-t-il autant ses futures pères,
Ses parrains, ses tontons que sa mère aimera,
Mais moi je garderai pour ses anniversaires
Une pensée au fond de moi,
Je me dirai, tiens, il a vingt berges,
Lorsque j'y pense quelquefois
Je me sens devenir vieux.

Les enfants des voisins, on les trouve stupides,
Ils ne servent à nos yeux qu'à faire pousser des rides,
Mais lorsque par hasard on en a un qui est là,
Qui a les yeux noirs de sa mère,
On l'aime malgré soi.

Et l'absence est venue peser sur ma détresse
Dans la chambre déserte ou manquent ses jouets
Rien ne le remplacera, ni mes futures maîtresses,
Ni mon travail, ni le beau temps.
Je suis démuni comme un père
Qui vient de perdre son enfant
Et je suis malheureux.


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