Arthur H.
LILY DALE


Lily, fûtes-vous une barmaid poétique
Dans un vieux bar de l'Est, bleu et fumée,
Où l'ivrognerie était douce et romantique
Où des loups de mer et des gamins pâles vous aimaient?
"Dignement" tendre avec vous, étiez-vous plus tendre
Pour un craintif Jack ou Jim aux yeux suppliants
Qui vous rêva fée des bois roses de novembre
Ou des lacs de lunaire opale miroitante
Et mourut de vous et vous fit mourir,
Haineux de la vraie femme pour tous enivrante?

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
Oh Lily! Sweet Lily!...

Sous les sombres pacaniers qui se mirent
Dans l'eau vitreuse des bayous chargés de huttes,
Lily, étiez-vous le négrillonne du Sud,
D'un noir luisant, presque doré de tant reluire,
Soleil noir avec un soleil blanc pour sourire?
Étiez-vous la petite proie traquée, forcée
Par de vieux chausseurs blancs obscènes et velus,
L'animal favori cajolé, puis battu,
L'excitante poupée bientôt brisée
Qu'on enfouit un soir, pauvre chose fluette,
Près d'un marais de jade où chantaient les rainettes
Sous la lune qui grimaçait?

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
Oh Lily! Sweet Lily!...

N'auriez-vous été, ô Lily, ombre plaintive,
Qu'un sujet de chromo insane,
L'atroce "fiancée" consomptive et poncive
Du "contrebandier" ou du "jeune clergyman"?
...Non, l'air qui vous pleure est trop sauvagement triste,
Trop sincèrement naïves sont les paroles;
Et que votre joue fût noire, florale ou bise,
Pour moi vous aurez été âcrement exquise
Et je sens que votre âme, dans les brises molles,
S'envola quand vous mourûtes, comme s'envole
L'encens de l'iris des prairies vers les étoiles

And the moon shines bright
On the grave of poor Lily Dale
Oh Lily! Sweet Lily!...


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