Juliette Gréco
COMME UN JOURNAL


Je t'écris sur du papier chinois
En fument seule le même tabac
Que nous partagions là-bas
Une saveur de Virginie,
Contrebande d'un billard verni
Qu'on nous vendait comme un vieux fruit
Survivant dans Shanghai la nuit.

Mais je suis pas seule,
Je suis jamais seule,
Jamais seule,
Jamais trop,
Comme un journal qui prend le métro.
Et sur le Bund on a marché
Comme se promènent des écoliers
Qui un printemps se sont vengés
De milliers et de milliers d'années
De mandarins et de curés
Qui continuent leur mélopées...

Je sais bien, la colère des enfants
Ça heurte encore les braves gens
Et que le sang est toujours innocent...

Mais il n'y a rien à pardonner
A juger ou à oublier
Je sais seulement que je t'aimais,
Que tu m'aimais...

Et je suis pas seule,
Je suis jamais seule,
Jamais seule,
Jamais trop,
Comme un journal qui prend le métro...

Petits enfants , poissons chinois,
Gestes figés de L'Opéra

Histoires d'amour et de la loi...
Petit monde des sourires
Que la muraille des souvenirs
Me garde toujours près de toi,
Avec toi...

Et je suis pas seule,
Je suis jamais seule,
Jamais seule,
Jamais trop,
Comme un journal qui prend le métro.


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