Léo Ferré
LES COPAINS DE LA NEUILLE

1956


Les copains de la neuille
Les frangins de la night
Ceux qu'on le portefeuille
Plus ou moins all right
Ceux pour qui la mouise
Ça fleurit que le jour
Qu'ont le rouquin en guise
De frisson d'amour

Les copains de cocagne
Ceux qu'ont des fafiots
Et qui font des magnes
A la Veuve Clicquot
Ceux qui comptent les heures
Sur leurs pattes en velours
Et qu'ont une demeure
Pour y planquer le jour.

Les copains de la farce
Qu'ont même pas de buffet
Pour y foutre une garce
Ou pour y danser
Ceux qui poussent la lourde
Dès minuit passé
Et qui n'ont comme gourde
Que celle du taulier

Les copains de la frime
Ceux qui vendent le vent
A des prix minimes
Quand y'a du client
Ceux qu'ont la vie brève
Comme la fleur des champs
Et qui vivent en rêve
Pour gagner du temps.

Les copains de la dure
Ceux qui vivent pas cher
Mais qu'ont de la verdure
Même en plein hiver
Ceux qui prennent la lune
Pour du Beaujolais
Mais qu'ont le clair de lune
En dessous du gosier

Les copains de la bise
A l'âme gercée
Et qui se foutent en prise
Avec deux gorgées
Ceux qui comptent les heures
Sur les doigts de la main
Et qui se font leur beurre
Avec leur chagrin.

Les copains du soir
Les frangins de la nuit
Ceux qui bossent au noir
Jusqu'au bout de leur vie
Ceux qu'ont la vie louche
Comme un beau matin
Et qui se cousent la bouche
En causant des mains

Les copains de la neuille
Les frangins de la nuit
Au matin se défeuillent
De tous leurs habits
Le petit jour canaille
Les prend par le cou
Et puis les empaille
Comme des hiboux.


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