Jean Ferrat
L'HOMME SANDWICH



L'homme sandwich a de la peine
Il voudrait bien aller flâner
Avec les gens qui se promènent
Sous le soleil des beaux quartiers
L'homme sandwich traîne la semelle
Sa silhouette sur le boulevard
Prend des allures de caravelle
Battu par les vents du hasard

Il y a la mer immense
Et des visages qui défilent devant lui
Il y a Paris qui mène le tapage
Et qui roule comme la vie
Il cueille le soleil
Les rires des enfants
Et des morceaux de ciel
Dans les yeux des amants
Des feuilles et des papiers multicolores
Qu'il remet à tous les passants
S'envolent pour le suivre longtemps encore
En tourbillonnant dans le vent
Et les mains dans les poches
Il s'éloigne en rêvant
Tandis que deux gavroches
Les ramassent en riant

L'homme sandwich a de la peine
Il voudrait bien aller flâner
Avec les gens qui se promènent
Sous les soleils des beaux quartiers

Il voit mille étalages la lumière
Ruisselant au nez des badauds
Il voit blotti sous les porte cochère
L'amour éclater en sanglots
Tandis que par leurs cris
De bar les camelots
Essaient de faire la pige
Aux marchands de journaux
Sortie des magasins et des usines
Tout s'embrouille dans son esprit

Taxi métro vélo les gens piétinent
En se bousculant dans la nuit
Et chipant au passage
Ce dont il a envie
Il cueille des images
Dans le cœur de Paris

L'homme sandwich traîne la semelle
En croisant la foule du soir
Oui mais la foule comme la Seine
S'écoule en lui disant bonsoir


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