MONSIEUR DE LA PALISSE


Messieurs, vous plaît-il d'ouïr
L'air du fameux La Palisse
Il pourra vous réjouir
Pourvu qu'il vous divertisse
La Palisse eut peu de biens
Pour soutenir sa naissance
Mais il ne manqua de rien
Dès qu'il fut dans l'abondance.

Bien instruit dès le berceau
Jamais tant il fut honnête
Et ne mettait son chapeau
S'il ne se couvrait la tête
Il était affable et doux
De l'humeur de feu son père
Et n'entrait guère en courroux
Si ce n'est dans la colère.

Il buvait tous les matins
Deux doigts tirés de la tonne
Et mangeait chez ses voisins
S'il s'y trouvait en personne
Il voulait dans ses repas
Des mets exquis et fort tendres
Et faisait son mardi-gras
Toujours la veille des Cendres.

Il brillait comme un soleil
Sa chevelure était blonde
Il n'y eut pas son pareil
S'il eût été seul au monde
Il eut des talents divers
Même on assure une chose
Quand il écrivait en vers
Il n'écrivait pas en prose.

Les valets étaient soigneux
De le servir d'andouillettes
Et n'oubliaient pas les oeufs
Surtout dans les omelettes
De l'inventeur du raisin
Il révérait la mémoire
Et pour bien goûter le vin
Jugeait qu'il fallait en boire.

La vérité jour et nuit
Sortait, dit-on, de sa bouche
Quand il se mettait au lit
C'est qu'il regagnait sa couche
Sortant quand il faisait beau
Il disait: Toute ma vie
Je n'ai vu tomber de l'eau
Si ce n'est les jours de pluie.

Il voyageait volontiers
Courant par tout le royaume
Quand il était à Poitiers
Il n'était pas à Vendôme
Il se plaisait en bateau
Et, soit en paix, soit en guerre
Il allait toujours par eau
Quand il n'allait pas par terre.

C'était un homme de coeur
Insatiable de gloire
Lorsqu'il était le vainqueur
Il remportait la victoire
Les places qu'il attaquait
À peine osaient se défendre
Mais jamais il ne prenait
Celles qu'il ne pouvait pas prendre.

Monsieur de la Palisse est mort
Il est mort devant Pavie
Un quart d'heure avant sa mort
Il était encore en vie
Il fut par un triste sort
Blessé d'une main cruelle
On croit, puisqu'il en est mort,
Que la plaie était mortelle.

Regretté de ses soldats
Il mourut digne d'envie
Et le jour de son trépas
Fut le dernier de sa vie
Il mourut le vendredi
Le dernier jour de son âge
S'il fût mort le samedi
Il eût vécu davantage.


À la page des textes divers
À la page des textes