Jacques Brel
LA BALEINE
1965


À moi, à moi, Jean de Bruges
Grand quartier-maître sur la "Coquette"
Trente ans de mer et de tempêtes
À moi, Jean de Bruges,
À moi, tu offres un verre, blond et joufflu
Tu offres un verre, crémeux de bière
Et je te raconte aussitôt
Ma pêche avec un cachalot
Qui était bien le plus gros de la terre
Alors tu me l'offres ce verre?

Jean de Bruges, voilà ton verre
Jean de Bruges, voilà ta bière
Le houblon te rendra causant
Tu mentiras plus aisément.

C'était une baleine énorme,
C'était une baleine énorme,
Longue comme un canal de pluie,
Large comme une brasserie
Avec des yeux comme des soleils
Comme vous n'en vîtes de pareils
C'était une baleine énorme, énorme.

Sur la "Coquette" priait tout le monde,
Cette baleine c'est la fin du monde
Hurlait, hurlait au mât de misaine
Hurlait, hurlait le capitaine
Mais c'est l'enfer et son démon
Hurlait, hurlait le moussaillon
Mais moi, mais moi

Sans peur au bout du pont
Avec mes couteaux et harpons,
Je lui ai sauté sur le dos
Frappé, tué
Plus de cachalot
Il a saigné, il a saigné,
On n'a pas pu le ramener,
C'était dans la mer d'Orient
Plus une seule baleine n'y bouge
Et cette mer, c'est la mer Rouge.

Ah Jean de Bruges,
Cette baleine, tu nous l'as bien tuée cent fois
Ah Jean de Bruges,
Cette baleine, elle est à nous autant qu'à toi.


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