François Béranger
LA VALISE ROSE


Un bateau me jette à Marseille
Un matin gris au réveil
Depuis deux jours trois mille ivrognes
Au fond de ses cales dégueulent
Dans les coursives les fragrances...
Je te dis pas la bonne ambiance
En rangs serrés sur le quai les cognes
Nous attendent avec leurs sales gueules

C'est pas la houle de l'hiver
Qui nous met la tripe à l'envers
Mais la Patrie Reconnaissante
Qui nous accueille à bras ouverts
Dans ce bateau de libérés
C'est pas la joie qui surnage
Après trente mois de merdier
On est épuisé par la rage
Si tu veux pas sombrer foldingue
Dans tes souvenirs cradingues
T'as plus qu'à t'échapper pépère
Dans des mots imaginaires

C'est pas la houle de l'hiver
Qui nous met la tête à l'envers
Dans ma petite valise rose
J'ai de quoi guérir ma névrose

Déjà les grandes fourbures orgrippent
Parées de leurs plus belles nippes
Dés le matin ça crougne sec
Dans les humidités avec
Les mères turientes s'écartèlent
Leur figoune d'hirondelle
Dans le vert Adam ça poétise
Ça fragonarde en chemise

C'est pas la houle de l'hiver
Qui nous casse le caractère
Ni la Mère-Patrie cette catin
Qui va nous pourrir nos lendemains

T'as qui mettre? me dit mon voisin
Pourtant séminariste bon teint
Je me tourne vers lui étonné
C'est pas le genre à ramoner
J'y réponds j'ai le tachymètre normau
Le variomètre à zéro
Le badin bien stabilisé
Les pistons-cylindres bien huilés
T'as qui mettre me dit mon copain?
Ben non je suis tout seul pour les fêtes...
Vers Dieu dirige ton destin!
Compte là-dessus et joue-moi de la trompette.

C'est pas la houle de l'hiver
Qui nous met la tête à l'envers
Dans ma petite valise rose
J'ai de quoi guérir ma névrose


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