François Béranger
PROFITER DU TEMPS


Je voudrais, quoiqu'il arrive,
Profiter du temps.
Du temps qui me reste à vivre,
Tant de temps, si peu de temps.
Le temps qui tisse sa trame,
Le temps qui file sa chaîne,
Le temps qui est si pesant,
Le temps qui n'existe pas.

Je passe mon temps à ne rien faire:
J'en ai plus pour travailler.
Je surveille le bananier:
Les bananes poussent à l'envers.
Je me mets donc la tête en bas
Pour voir la chose à l'endroit.
C'est pas bon pour la tension
Mais ça fait jaser les cons.
Prendre son pied... prendre son pied...
Prendre son pied dans la moquette,
Partir en vol plané.
Vol plané dans mes synapses,
Dans mes univers virtuels,
Dans mes giga-neurones
Aussi vite que la lumière
Dans l'infini des mémoires
Un matin l'angoisse te poisse:
Tu n'es plus immortel.
Tu jettes un oeil sur ton compte:
Il est pas loin du zéro.
Redevenir le héros
Du quotidien qui file.
Redécouvrir les gens,
Les objets et les jours.

Temps élastique, ressort à boudin,
Temps chewing-gum, temps caoutchouc,
Temps sans début ni fin
Interminable quand on s'ennuie.
Impalpable quand on jouit
De la moindre seconde
Comme le ravi du village
Qui rit de tout et de rien
Je voudrais quoiqu'il arrive
Profiter du temps...


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