Hugues Aufray
LE COEUR GROS



Quand revient le vent de l'automne,
Je pense à tout ce temps perdu.
Je n'ai fait de mal à personne.
Je n'ai pas fait de bien non plus
Et j'ai le coeur gros.

Pauvre chien perdu dans la ville,
Y'a des abris pour toi, mon vieux.
On a la conscience tranquille
Et quand on regarde tes yeux,
On a le coeur gros.

Après des mois de mauvais coups,
De filets pleins de goémons,
Quand le marin compte ses sous,
Sur la table de la maison,
Il a le coeur gros.

Toi qui n'es pas mort à Madrid,
Tant de copains sont restés.
Quand tu regardes tes mains vides
Et devant ton fusil rouillé,
Tu as le coeur gros.

Quand tu l'as vu porté en terre,
Son cheval noir marchant devant,
Tu as soudain compris, mon frère,
Qu'il étaient plus qu'un président.
T'as eu le coeur gros.

Assis au bord de la rivière,
Mes rêves suivent leur chemin,
Mais quand je pense qu'il y a sur terre
Deux enfants sur trois qui ont faim,
Moi, j'ai le coeur gros.

Adieu fillette, adieu ma mie,
Adieu petite, le temps court.
Les cigognes sont reparties.
Elles reviendront sûrement un jour.
N'aie plus le coeur gros.


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