Serge Reggiani
HÔTEL DES VOYAGEURS


Sur la chaise, une robe
Rouge
Sur la vitre les arbres d'octobre
Bougent
Comme au cinéma le décor
Ressemble au drame que l'on joue
Une couleur vient sur ton corps
Le jour se lève sur ta joue
Je te regarde endormie
Comme il fait beau sur toi
Qui ne veux plus être à moi
Ma femme, mon ennemie

Hôtel des voyageurs
Chambre cent-treize
Vue sur jardin
Et tous les soirs monsieur Machin
Nous joue sa polonaise

Hôtel des voyageurs
Pour t'attendrir
Ça t'a fait rire
Comme nos amours les fleurs du mur
Ont perdu leur dorure

Le vent jette une abeille
Morte
Je voudrais que le vent de la veille
Sorte
Qui a laissé dans cette chambre
Des mots qui n'allaient plus ensemble
Au cinéma quand sont doublés
Des amants dans un champ de blé
Ils sont aussi ridicules
Que nous sous la pendule
Lorsque je t'ai demandé
De ne pas m'abandonner

Hôtel des voyageurs
Chambre cent-treize
Vue sur jardin
Et tous les soirs monsieur Machin
Nous joue sa polonaise

Hôtel des voyageurs
Pour t'attendrir
Ça t'a fait rire
Ce sont nos dernières vacances
Avant l'indifférence

La comédie finit

Ils restent ensemble et l'on n'applaudit
Pas
Comme au cinéma les acteurs
Rentrent chez eux même quand ils meurent
Les fleurs du mur et nos amours
Tiennent malgré les déchirures
Et quand tu fais ta valise
Tu y mets mes chemises
Nous n'arriverons jamais
A nous quitter sur un quai

Hôtel des voyageurs
Où nos adieux
Même les plus tristes
Ressemblent à des saluts d'artiste
A des saluts d'artiste

Hôtel des voyageurs
Chambre cent-treize
Vue sur jardin
Et tous les soirs monsieur Machin
Qui joue sa polonaise


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