Georges Moustaki
LA VIEILLESSE


Où et quand viendra-t-elle et comment sera-t-elle
En robe de velours ou vêtue de dentelle
Chargée de nostalgie ou porteuse d'ivresse
La vieillesse

Deviendrai-je un vieux singe un vieux fou un vieux con
Mandarin sclérosé radoteur ou bougon
Ou m'accordera-t-elle un peu de sa sagesse
La vieillesse

Viendra-t-elle comme une amie
Comme une dame aux cheveux blancs
À l'air paisible et souriant
Qui viendrait partager mes nuits
Ou comme l'ultime adversaire
Celle qui reste à vaincre encore
Avant de rencontrer la mort
Et de s'endormir sous la terre

Où et quand viendra-t-elle et comment sera-t-elle
En robe de velours ou vêtue de dentelle
Chargée de nostalgie ou porteuse d'ivresse
La vieillesse

Fera-t-elle de moi un sinistre dévot
Préoccupé de Dieu beaucoup plus qu'il ne faut
Ou me donnera-t-elle droit à la paresse
La vieillesse
Serai-je comme un arbre sec
Qui semble défier le temps
Et qui supporte bravement
Des coups de hache des coups de bec
Ou le vieux beau qui vieillit mal
Et regarde avec inquiétude
Son beau crâne qui se dénude
Et ses dents qui se font la mâle

Où et quand viendra-t-elle et comment sera-t-elle
En robe de velours ou vêtue de dentelle
Chargée de nostalgie ou porteuse d'ivresse
La vieillesse

Je dis qu'il est trop tôt mais je sais qu'il est tard
Je veux être un vieil homme sans être un vieillard
Et vivre chaque instant tout le temps que me laisse

La jeunesse


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