Maxime Le Forestier
JEANNE

G. Brassens


Chez Jeanne, la Jeanne,
Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu,
On pourrait l'appeler l'auberge de Bon Dieu
S'il n'en existait déjà une,
La dernière où l'on peut entrer
Sans frapper, sans montrer patte blanche...

Chez Jeanne, la Jeanne,
On est n'importe qui, on vient n'importe quand,
Et, comme par miracle, par enchantement,
On fait partie de la famille,
Dans son coeur, en se poussant un peu,
Reste encore une petite place...

La Jeanne, la Jeanne,
Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie,
Mais le peu qu'on y trouve assouvit pour la vie,
Par la façon qu'elle le donne,
Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comme deux gouttes d'eau...

La Jeanne, la Jeanne,
On la paie quand on peut des prix mirobolants:
Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs,
Un semblant d'accord de guitare,
L'adresse d'un chat échaudé
Ou d'un chien tout crotté comme pourboire...

La Jeanne, la Jeanne,
Dans ses roses et ses choux n'a pas trouvé d'enfant,
Qu'on aime et qu'on défend contre les quatre vents,
Et qu'on accroche à son corsage,
Et qu'on arrose avec son lait...
D'autres qu'elle en seraient toutes chagrines...

Mais Jeanne, la Jeanne,
Ne s'en souci pas plus que de colin-tampon,
Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon!
Quand elle est mère universelle,
Quand tous les enfants de la terre,
De la mer et du ciel sont à elle...


À la page des textes de Maxime Le Forestier
À la page des textes