Léo Ferré
LES PASSANTES


Et tous ces inconnus qui mettent à la voile
Sur de longs autobus au voyage haché
Laissent de leur limon intime à des étoiles
Qui brillent tristement au coin des rues barrées

Les âmes des putains qui ont été mariées
Errent dans les mairies aplaties sous des chaises
Le patronyme les travaille et l'hyménée
Les agace beaucoup plus que la Marseillaise

Le ventre au chaud, les pieds sanglés de crocodile
Das Kapitale prends son café au bar du coin
L'air effaré parmi la merde de la ville
Le pourboire agressif et l'oeil américain

Une fille gonflée au devant comme une outre
Le regard d'agacée le sucre au fond du pot
Et pense mais trop tard au prolétaire foutre
Qui la fait respectable et lui crève la peau

Et tous ces inconnus qui mettent à la voile
Sur de longs autobus au voyage haché
Laissent de leur limon intime à des étoiles
Qui brillent tristement au coin des rues barrées


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