Léo Ferré
LES CHÉRIS


Ce sont des orphelins
Qui cherchent un peu de grain
Un peu d'amour aussi,
Les chéris

On n'en voit presque plus
Qui tirent la charrue
Ils sont rares à Paris,
Les chéris

Ils sont spécialisés
Tout comme les ouvriers
Il y a le charbonnier
Et puis le glacier

Quelquefois à Longchamp
Y en a qu'ont du bon temps
Mais ça dure pas bézef
Jésus, Marie, Joseph

Ce sont des traîne-l'amour
Dans la mémoire des cours
J'entends pleurer la nuit
Les chéris

J'en vois des tout fringants
Dans leurs sabots tout blancs
Qui font henni-henni
Les chéris

On ne meurt qu'une fois
Tout comme vous et moi
Les chéris quelquefois
Reviennent de là-bas

Pour tirer par les pieds
Ceux qui les ont mangés
Le boucher le sait bien
Qui ne s'endort qu'au matin

Ce sont des grands diablasses
Qui s'en vont faire des casses
Au milieu des prairies,
Les chéris

Ils ont le goût du malheur
Et guignent le tracteur
Avec des yeux d'envie,
Les chéris

Ils rêvent à la pampa
Des pampas, y en a pas
S'il faut croire à tout ça
Où est-ce qu'on ira?

Mais quand il se fait tard
Le soir à Vaugirard
Y a des chevaux qui crient:
Je vous salue, Marie


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