Jacques Brel
LES JARDINS DU CASINO
1961


Les musiciens sortent leurs moustaches
Et leurs violons et leurs saxos
Et la polka se met en marche
Dans les jardins du casino
Où glandouillent en papotant
De vieilles vieilles qui ont la gratouille
Et de moins vieilles qui ont la chatouille
Et des messieurs qui ont le temps
Passent aussi, indifférents
Quelques jeunes gens faméliques
Qui sont encore confondant
L'érotisme et la gymnastique
Tout ça dresse une muraille de Chine
Entre le pauvre ami Pierrot
Et sa fugace Colombine
Dans les jardins du casino

Les musiciens frétillent des moustaches
Et du violon et du saxo
Quand la polka guide la démarche
De la beauté du casino
Quelques couples protubérants
Dansent comme des escalopes
Avec des langueurs d'héliotrope
Devant les faiseuses de cancans
Un colonel encivilé
Présente à de fausses duchesses
Compliments et civilités
Et baisemains et ronds de fesses
Tout ça n'arrange pas, on le devine
Les affaires du pauvre Pierrot
Cherchant fugace Colombine
Dans les jardins du casino

Et puis le soir tombe par taches
Les musiciens rangent leurs saxos
Et leurs violons et leurs moustaches
Dans les jardins du casino
Les jeunes filles rentrent aux tanières
Sans ce jeune homme ou sans ce veuf
Qui devait leur offrir la litière
Où elles auraient pondu leur oeuf
Les vieux messieurs rentrent au bercail
Retrouver le souvenir jauni
De leur Madame Bovary
Qu'ils entretiennent vaille que vaille
Et ne demeure que l'opaline
De l'âme du pauvre Pierrot
Pleurant fugace Colombine
Dans les jardins du casino, du casino.


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