Georges Brassens
LE NOMBRIL DES FEMMES D'AGENTS



Voir le nombril de la femme d'un flic
N'est certain(ment pas un spectacle
Qui, du point de vue de l'esthétique,
Puisse vous élever au pinacle...
Il y eut pourtant, dans le vieux Paris,
Un honnête homme sans malice
Brûlant de contempler le nombril
De la femme d'un agent de police...

"Je me fais vieux, gémissait-il,
Et, durant le cours de ma vie,
J'ai vu bon nombre de nombrils
De toutes les catégories:
Nombrils de femmes de croque-morts, nombrils
De femmes de bougnats, de femmes de jocrisses,
Mais je n'ai jamais vu celui
De la femme d'un agent de police..."

"Mon père à vu, comme je vous vois,
Des nombrils de femmes de gendarmes,
Mon frère a goûté plus d'une fois
De ceux des femmes d'inspecteurs, les charmes...
Mon fils vit le nombril de la souris
D'un ministre de la Justice...
Et moi, je n'ai même pas vu le nombril
De la femme d'un agent de police..."

Ainsi gémissait en public
Cet honnête homme vénérable,
Quand la légitime d'un flic,
Tendant son nombril secourable,
Lui dit: "Je m'en vais mettre fin
A votre pénible supplice,
Vous faire voir le nombril enfin
De la femme d'un agent de police..."

"Alléluia! fit le bon vieux
De mes tourments voici la trêve!
Grâces soient rendues au Bon Dieu,
Je vais réaliser mon rêve!"
Il s'engagea, tout attendri,
Sous les jupons de sa bienfaitrice,
Braquer ses yeux sur le nombril
De la femme d'un agent de police...

Mais, hélas! il était rompu
Par les effets de sa hantise,
Et comme il atteignait le but
De cinquante ans de convoitise,
La mort, la mort, la mort le prit
Sur l'abdomen de sa complice:
Il n'a jamais vu le nombril
De la femme d'un agent de police...


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