Georges Brassens
LE MOUTON DE PANURGE



Elle n'a pas encore de plumes
La flèche qui doit percer son flanc,
Et dans son coeur rien ne s'allume
Quand elle cède à ses galants.
Elle se rit bien des gondoles,
Des fleurs bleues, des galants discours,
Des Vénus de la vieil le école,
Celles qui font l'amour par amour.

N'allez pas croire davantage
Que le démon brûle son corps.
Il s'arrête au premier étage,
Son septième ciel, et encore!
Elle n'est jamais langoureuse,
Passée par le pont des soupirs,
Et voit comme des bêtes curieuses,
Celles qui font l'amour par plaisir.

Croyez pas qu'elle soit à vendre.
Quand on l'a mise sur le dos,
On n'est pas tenu de se fendre
D'un somptueux petit cadeau.
Avant d'aller en bacchanale
Elle présente pas un devis,
Elle n'a rien de ces belles vénales,
Celles qui font l'amour par profit.

Mais alors, pourquoi cède-t-elle,
Sans coeur, sans lucre, sans plaisir?
Si l'amour vaut pas la chandelle,
Pourquoi le joue-t-elle à loisir.
Si quiconque peut, sans ambages,
L'aider à dégrafer sa robe,
C'est parce qu'elle veut être à la page,
Que c'est la mode et qu'elle est snob.

Mais changent coutumes et filles,
Un jour, peut-être, en son sein nu,
Va se planter pour toute la vie
Une petite flèche perdue.
On ne verra plus qu'elle en gondole,
Elle ira jouer, à son tour,
Les Vénus de la vieille école,
Celles qui font l'amour par amour.


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