François Béranger
MA MAISON


Un jour les pieds usés par l'asphalte des routes,
Les yeux crevés par les mirages,
La gorge brûlée par les herbes illusoires,
Je verrai me barrant la route
Apparaître une maison.
Elle sera chaude et douce,
Ronde comme un ventre.
Les fenêtres brillantes.
De ses portes ouvertes
S'échapperont des parfums.
Et je dirai: c'est ma maison

On n'entrera que de bonne foi, l'âme légère,
Par ses portes ouvertes.
Lavé de l'inutile, purgé des idées fausses,
Dépouillé de nos frimes,
Comme aux premiers temps.
Pour vous parler de ça
Je devrais être nu.
Mots malins, belles images,
Phrases vides s'envolent
Comme des feuilles jaunies
Et je dirai: c'est ma maison

Dans l'harmonie des lieux
Las pas sonnent sur le sol,
Résonnent sur les murs,
Se mêlent à des voix
Dans une musique inouïe
Les muscles contractés
Sous la peau desséchée,
Comme des lames d'acier
Dans la vieille défensive
Dans la vieille défensive
Des combats quotidiens
Se dénouent brusquement
Et font la fête au corps.

Maison-mère, maison-femme,
Maison-fille, maison-vie
Chacun de tes replis
Secrètement offerts
Est un sourire serein.
On y dit peu de mots.
Les regards se suffisent.
Des mains fraîches, en passant,
Vous caressent le front.
Vous caressent le front,
Vous relèvent une mèche
Vous guident vers un lit blanc
Dans une chambre fraîche.

Couché dans la pénombre le temps n'existe plus.
La présent est tellement présent
Qu'il efface le désert de l'attente,
Le chaos des remords.
Fournaise des désirs.
Il vous vient une force
A tout recommencer,
Se lever, repartir,
A transformer ces rêves
En vraie réalité
Et je dirai: c'est ma maison.


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