Salvatore Adamo
RACINES


Dans l'anonymat
De mes vitres fumées,
Dans ma berline,
En roulant au pas,
Je peux les observer
Sans qu'ils devinent
Qui peut se planquer là,
Qui s'en vient les narguer
Dans leur routine
Ce n'est jamais que moi
Qui revient me chercher
À mes racines
Ce n'est jamais que moi
Qui revient me chercher
À mes racines

Ils sont tous là
Sur le pas de leur porte
Les gens d'avant
Toujours un rêve en retard
Mais qu'importe
Ils ont le temps
Et pour une prière
Restée lettre morte
Toujours l'argent
Leurs plus beaux souvenirs
Fièrement les escortent
À chaque instant
Ils se parlent de tout,
Des senteurs de l'été
Des fleurs de nos pommiers,
Des choses les plus simples
Et moi je les envie,
Moi qui ai tout oublié
Moi qui me suis perdu
Dans le lit de l'Olympe

Le geste est large
Et le rire est superbe
Quand il vole en éclats,
Revivant les palabres,
Le soleil dans l'accent,
L'ironie dans le verbe
Ils sont toujours à Naples,
En Sicile, en Calabre

Assises dignement,
Les femmes cousent
Elles soupirent en choeur,
Au ciel, levant les yeux
Quand leurs maris, tout bas,
Pour les rendre jalouses
S'inventent des exploits
À coup sûr, amoureux

Dans l'anonymat
De mes vitres fumées,
Je me souviens
Et je le revois,
Illustrant ses idées, avec les mains
Mon père, pardonne-moi
Je ne t'écoutais pas
J'étais si loin, loin, loin
Tu me disais déjà
Que vivre avec les rois
Ne sert à rien, rien, rien

Toujours au ralenti,
Je poursuis ma promenade
Un ballon rebondit et s'envole
Je me retrouve enfant
Sur la même esplanade
Je rêvais de Pelé,
Autres temps, autre idole,

Mais à part ces détails,
Les gosses n'ont pas changé
Si ce n'est dans le regard,
Cette vraie insouciance
Qui nous a tant manquée,
Nous étions étrangers
Eux sont enfin chez eux
Avec leurs différences

Au bord de la rivière,
J'allais souvent rêver
Elle n'est plus qu'un pipe-line
Qui coule nulle part
Un peu comme ma vie,
Balisée, programmée
Je ferais mieux de rentrer,
Il est déjà très tard, très tard


À la page des textes de Salvatore Adamo
À la page des textes